Le budget primitif 2021, une intervention de Jérémie Crépel

Jérémie Crépel, Conseiller Municipal

Madame la maire, cher-e collègue,

Vous nous présentez aujourd’hui une proposition de budget primitif dans un contexte pour le moins incertain. Incertaine la durée de la crise. Incertain donc son effet complet sur les budgets des collectivités. Incertain son effet complet sur les lilloises et les lillois même si les premiers éléments montrent un impact social, économique et financier très important. Pour ne pas faciliter notre tâche, la nouvelle nomenclature rend difficile les comparaisons et je tiens à vous remercier, ainsi que les services, du travail que vous avez fait pour rendre ce budget lisible.

C’est dans ce contexte incertain que nous devons néanmoins nous prononcer sur les moyens budgétaires de l’action municipale. Ce budget fait clairement apparaître des choix. Commençons par ceux avec lesquels nous nous retrouvons.

  • Le choix d’abord, de ne pas toucher à la fiscalité et de ne pas augmenter les impôts fonciers. Certes, c’était l’une de vos promesses de campagne, peut-être imprudente quand on ne sait pas de quoi demain sera fait. Mais nous pensons également qu’au moment où beaucoup souffrent ce n’est pas le moment de toucher à la fiscalité. Et sans doute pas demain quand il faudra panser les plaies de cette crise.
  • Le choix ensuite, de maintenir un niveau élevé d’investissements, qui sont même prévus à la hausse avec 91,3 millions d’euros d’investissements prévus, ce qui nous ramène, si on tient compte de votre objectif de réalisation à 88 %, à un objectif réel de 80,3 millions. Rappelons qu’en 2020, avec les difficultés liées à la crise covid, le taux de réalisation n’a pu être que de 66 %. Souhaitons que ce choix volontariste permette de soutenir l’économie locale.
  • Le choix enfin de prioriser les investissements liés à la transition écologiste. En effet, il ne faut pas que la crise du covid remette en cause les efforts que les collectivités doivent faire pour atteindre la neutralité carbone, alors que l’urgence climatique impose plutôt de mettre les bouchées doubles, au moment où l’État français vient d’être condamné en justice pour inaction climatique, suite à l’action intentée par « L’affaire du siècle. » Ces investissements s’avèrent d’ailleurs rentables pour la collectivité, quand on voit les économies substantielles qu’ils ont déjà permis sur le budget énergie. Encore faut-il ne pas défaire d’un côté, ce qu’on fait de l’autre. D’où l’importance du budget climatique sur lequel vous avez avancé. Par soucis de transparence, nous aurions voulu disposer de l’analyse ligne par ligne que vous avez déjà effectuée pour les dépenses supérieures à 50 000 euros. Nous vous demandons également un PPI ET un PPI climatique, afin d’évaluer les trajectoires permises ou non par les investissements.

Malheureusement, vous faites aussi des choix politiques dans lesquels nous ne retrouvons pas, parce que oui, nous aurions en réalité fait autrement :

  • En premier lieu, vous vous félicitez de la stabilité des dépenses de fonctionnement. Nous la regrettons. Avec la crise Covid, les besoins sociaux explosent. Les lilloises et les lillois ont besoin d’être épaulés pour passer cette période difficile. Nous avons toujours soutenus les sommes versées au CCAS de Lille comme étant un des investissements sociaux. En cette période de difficultés, nous souhaiterions, par exemple, que le fond de secours puisse être abondé à hauteur des besoins. Qu’en est-il d’ailleurs de l’analyse des besoins sociaux de notre ville qui doit être faite en début de mandat ? Les associations ont également besoin d’être soutenues : celles de la culture font face à un arrêt inédit, quasi total, de leurs activités. Celles œuvrant pour les personnes les plus précaires alertent sur une dégradation des conditions de vies des plus démuni.e-s et l’urgence de leur donner les moyens pour agir sur le terrain.

Et pourtant, malgré ce contexte, vous avez décidé de limiter les subventions aux associations. Le financement des associations (-0,06%), en ne suivant pas l’inflation, cela entraîne de fait des restrictions non négligeables sur ces acteurs essentiels. N’asphyxions donc pas les dépenses de fonctionnement au nom de la stabilité promise des impôts.

  • En deuxième lieu, certains arbitrages nous paraissent vraiment malheureux. Sur la masse salariale : vous souhaitez avoir une « masse salariale » maîtrisée. Alors que 2020 a amené un certain nombre de postes vacants du fait de la crise sanitaire, vous mettez en avant que seulement 25 agents seront recrutés en 2021. Ces agents sont des policières et policiers municipaux. Nous savons que ce recrutement est une nécessité : mais quel message est envoyé lorsque l’unique recrutement prévu pour cette année est uniquement lié au secteur « « sécurité » » ? Que dire d’ailleurs des 2 millions investis pour des caméras, et qui nécessiteront demain de nouveaux budgets de maintenance et de remplacement ? En cette période de crise sanitaire, plus que jamais la ville de Lille a besoin de renforts humains. Ainsi, notre interrogation est la suivante : La rigueur salariale est-elle tenable sur la durée sans remettre en cause l’ambition politique ? Mêmes choix malheureux sur la culture. Était-il nécessaire et urgent de programmer de nouvelles expositions aux  Palais des Beaux Arts ou au Tri Postal, et de dépenser de l’argent pour faire venir de loin des œuvres, quand les artistes locaux et indépendants cherchent des lieux pour travailler, répéter, se produire ? Quelle partie de l’importante subvention à Lille 3000 ira réellement aux acteurs locaux de la culture ? Chaque euro en dépenses et fonctionnement doit aller aux lillois.e-s. Enfin, un grand absent, inacceptable, 0€ pour l’égalité femmes-hommes ! Vous ne pouvez pas dire qu’il ne s’agit pas d’une compétence municipale, vous sortez tous les ans un rapport sur l’égalité F/H.
  • Outre ces arbitrages que nous contestons, nous pensons que vous pourriez retrouver davantage de marge de manœuvre sur le budget fonctionnement en diminuant l’épargne nette, quitte à recourir à de nouveaux emprunts verts pour financer les investissements de la transition. Quand les taux sont aussi bas qu’aujourd’hui, c’est finalement de la bonne gestion des deniers publics que de recourir à l’emprunt, ce qui nous est permis par les efforts consentis au mandat précédent.

Vous l’avez compris madame la maire, nous aurions fait d’autres choix car nous aurions souhaité un budget de fonctionnement davantage volontariste. Par conséquent nous voterons contre ce projet de budget. Mais comme je l’ai dit en début d’intervention, nous avons pleinement conscience que ce budget prévisionnel s’inscrit dans un contexte incertain et nous formons le vœu, madame la maire, que vous vous saisissiez cette année de toutes les marges de manœuvre qui pourront apparaître pour soutenir les associations, les lilloises et les lillois.